Parfois on introduit des nouvelles règles en pensant bien faire ! Solvency II devait protéger le consommateur contre les prise de risques excessives de la part des compagnies d’assurance. Dans le cas d’une faillite, le consommateur final en aurait été la première victime.
Pourtant la philosophie Solvency II, poussée à l’excès, a conduit à un effondrement des rendements des compagnies d’assurance. Cela se répercute aujourd’hui sur les rendements offerts aux clients et met les compagnies d’assurances dans une situation délicate en cas de hausse des taux rapide.
Éviter le risque peut augmenter le risque !
Fin du dernier millénaire, le crack des valeurs d’internet d’abord, suivi par les évènements du 11 Septembre 2001, ont mis en évidence que certaines de compagnies d’assurances prenaient des risques trop élevés.
A l’époque, je travaillais pour une compagnie d’assurance et le mot d’ordre était de mettre en place les nouveaux modèles Solvency II, qui auraient permis une plus grande maitrise du risque. J’ai personnellement participé à la création de ces modèles. Cela a été, en terme d’apprentissage, une de périodes les plus riches de toute ma carrière. Toutefois, dès les premiers moments, j’ai eu le sentiment qu’on allait trop loin dans la mise en place des mesures de sécurité. Mais emporté par des aspects techniques je n’ai pas su faire entendre ma voix.
Marge de solvabilité et performances futures
Pour faire simple et justement éviter les détails, il faut savoir que la marge de solvabilité d’une compagnie d’assurances est inversement proportionnelle à sa capacité à faire des bénéfices. Plus la marge est haute, plus vous êtes vu comme un assureur responsable, mais moins vous avez des chances de faire de bonnes performances futures. Ce qui n’est pas un défaut, loin de là, à condition de ne pas en abuser.
des marges de solvabilité à 180% !
Beaucoup de paramètres entrent en ligne de compte pour le calcul de la marge de solvabilité, mais parmi les plus visibles et les plus faciles à manipuler, il y a le niveau des investissements en actions. Plus vous avez d’actions, plus votre marge de solvabilité baisse et vice versa. Dès 2004, presque tous les assureurs ont décidé de faire remonter la marge de solvabilité. C’est ainsi que des compagnies qui avaient une marge déjà suffisante (la moyenne des principaux assureurs Européens était de 120%) décidèrent de la faire monter au-delà, pour atteindre les 150%, parfois 180%.
Composition des portefeuilles à l'épreuve des stress tests
Avant 2004, un assureur Européen avait en moyenne 20% à 25% d’actions dans son portefeuille. Fin 2006, cette moyenne avait déjà baissé à 18%. La crise de 2008 et les innombrables « stress tests » imposés par les autorités Européennes ont accéléré ce mouvement. Fin 2016, la part actions dans le portefeuille d’innombrables assureurs oscillait aux alentours des 5%.
Quels produits alternatifs ?
Cerise sur le gâteau, par quoi a-t-on remplacé ces actions ? Par des obligations, qui aujourd’hui rapportent des taux négatifs ! Inquiétant, car si jamais les taux devaient remonter de manière brusque, les portefeuilles obligataires produiraient d’importantes moins-values. Certaines compagnies d’assurances, qui ont à ce jour jusqu’à 90% d’investissements en obligations, ne seraient plus en mesure d’honorer les engagements vis-à-vis de leurs clients. Hélas, tout cela avait commencé avec la bonne intention de protéger le client.
La recommandation LongueVueAnalytics
Bien que ce que je viens de décrire soit vrai pour toute l’assurance-vie, le phénomène est particulièrement visible pour les Fonds de Pensions ! J’estime que dans le cas des portefeuilles que j’ai pu étudier, le manque d’opportunité en termes de performance pourrait atteindre entre 2008 et 2020 une moyenne de 2,00% par an.
Terminons sur une note positive ! Depuis deux ans, le top management de certaines compagnies a commencé à réagir et la part des investissements en actions a commencé à remonter. La marge de solvabilité va baisser, mais paradoxalement, ce changement de politique pourrait faire diminuer le risque lié à une remontée des taux.